Rien

Encore une journée à travailler dans ce garage dont il n’avait rien à faire. Les tâches à accomplir étaient redondantes et vraiment sans intérêt. La saison du changement de pneus était celle qu’il détestait le plus. Passer ses journées à changer des pneus sur des véhicules était pour le moins assez ennuyant lorsqu’on avait l’habitude de remonter un Mustang 1975, y compris le moteur. Au moins, ses journées passaient rapidement, car il restait dans sa bulle et ça lui permettait de réfléchir. Non, en fait, cette journée qui tirait à sa fin avait passé assez rapidement : il n’avait pas cessé de penser à ce que cette fille lui avait dit la veille. Cette fille qui, sans le savoir, avait embelli sa journée simplement en passant chez lui pour lui dire bonjour au cours de la semaine précédente. Aujourd’hui, alors qu’il avait travaillé sans arrêt dans ce petit garage de quartier, il s’était rendu compte que tous les moments qu’il passait avec elle passaient toujours à la vitesse de l’éclair. De plus, il n’avait pas arrêté de la revoir sourire et rire aux éclats, son beau visage entouré de ses magnifiques cheveux blonds. Devait-il ne rien dire?

Mais qu’est-ce que le jeune homme risquait réellement en décidant de parler à son amie? Il voulait simplement lui dire qu’il s’était mit à penser plus souvent à elle, après tout. Allait-il perdre l’amitié qui les liait? C’était absurde. Il se connaissait assez bien pour savoir qu’ils resteraient amis si jamais ça ne fonctionnait pas. Il avait même des preuves à l’appui. Il parlait toujours à plusieurs de ses anciennes conquêtes. De plus, si jamais elle n’était pas intéressée à tenter le coup, ils n’auraient toujours rien perdu de cette complicité entre amis. De toute évidence, il n’avait rien à perdre.

Alors que 16 h arrivait à grands pas et qu’il allait bientôt retourner chez lui, le jeune homme de 24 ans regarda la canette vide de boisson énergétique qu’il avait bue en début d’après-midi. Il soupira. C’était une de ces journées où il aurait de loin préféré rester couché. C’était sans doute qu’il s’était couché tard la veille. N’importe quoi pour passer du temps avec elle! Après le travail, il était directement allé chercher cette jeune femme, toujours débordante d’énergie, pour qu’ils se rendent ensemble au restaurant. Ils avaient passé la soirée entière ensemble et le même sentiment incroyable de légèreté l’avait envahi chaque fois qu’il avait réussi à la faire rire. Chaque fois que cette émotion l’avait gagné, il s’était efforcé d’apprécier pleinement ce moment et il aurait donné cher pour que cette soirée à marcher en ville ne se termine jamais. Pas parce qu’il était amoureux d’elle par-dessus la tête, mais simplement parce qu’il adorait être avec elle et surtout parce que, lorsqu’il était avec elle, plus rien n’avait d’importance.

La fin de la soirée avait passé encore plus vite! Pas une fois il n’avait pensé à ses problèmes au cours de la soirée. C’était sans doute une des seules personnes au monde capable de lui faire oublier tous ses tracas quotidiens. Il n’avait jamais été très doué avec les filles et lorsqu’il était question de savoir ce qu’il éprouvait, les choses n’allaient pas en s’améliorant. Pourtant, qu’est-ce qui comptait réellement? Il appréciait tout le temps qu’il passait avec elle. N’était ce pas suffisant? Devait-il vraiment se poser toutes ces questions? Sans doute qu’au fond, l’important, c’était que ça ne coûtait rien d’essayer.

Lorsqu’il embarqua dans son vieux pick-up tout rouillé, il passa presque cinq minutes à penser à toutes les fois où cette belle étudiante lui avait lancé un défi. La fois où ils avaient fait de la moto-marine ensemble était assez dure à oublier, presque autant que la fois où ils avait fait du mush. Elle semblait avoir un don pour lui faire faire n’importe quoi. Lui refuser quelque chose et risquer de la décevoir était sans aucun doute au-dessus de ses forces. Ne pas sourire lorsqu’ils étaient ensemble était au-dessus de ses forces aussi et il ne se souvenait pas que ce soit déjà arrivé. Celui qui était mécanicien depuis déjà quelques années regarda l’heure qu’indiquait le cadran lorsqu’il démarra son tas de ferraille. Il se sentit soudain libéré d’un poids énorme. Il venait de prendre sa décision. Le soleil était rayonnant et l’homme au crâne rasé se dit qu’il avait encore du temps devant lui pour travailler sur son mustang chez son père, surtout avec cette impression d’invincibilité et d’insouciance qui venait de l’envahir. Sa décision venait d’être prise et était irrévocable parce qu’au fond, comme lui avait un jour dit une magnifique fille : qui ne tente pas n’a rien!

Le Pyromane

Je vous présente aujourd’hui une histoire d’horreur qui ne manquera pas de vous faire frissonner. Imaginez que vous décidez de commettre l’irréparable. Vous êtes libérés, peut-être, mais quand est il de vos proches? Que ce passe il après? Voudriez-vous revenir en arrière?

L’homme ouvrit les yeux. Il ne se souvenait de rien. Quel était son nom ? Il n’en était même pas certain. Il se rendit compte qu’il était assis dans une étrange salle de cinéma. Par contre, c’était la plus grosse qu’il n’avait jamais vue. Derrière lui, les bancs se multipliaient à perte de vue et disparaissaient dans une étrange couche de brouillard. Il semblait être seul. Il ne remarqua pas non plus de plafond. Au-dessus de sa tête, à travers une mince couche de brume, il ne put remarquer qu’un genre de vide noir.

Ayant le vague souvenir d’une barbe de quelques jours et de cheveux trop longs et mal coiffés, il se passa la main sur le visage et dans les cheveux, question de tenter de se réveiller et d’éclaircir ses idées. Encore une surprise lorsqu’il ne toucha que de la peau rasée à la perfection et des cheveux courts et bien placés. Il cligna des yeux quelques fois. Mais que se passait-il? Tout d’un coup, le seul spectateur dans la salle, celui qui portait un complet propre noir, se mit à regarder les images qui se mirent à défiler sur l’immense écran. Il jeta un coup d’œil derrière lui. Aucun projecteur, seulement du brouillard ainsi que des bancs.

histoire d'horreur

À mesure qu’il comprenait ce qu’il voyait, sans doute en temps réel, le vide se fit dans son esprit. Plus rien n’avait d’importance. Sans qu’il ne s’en rende compte, des larmes se mirent à couler sur ses joues, sa bouche était entrouverte, mais il s’en foutait bien. En fin de compte, il l’avait réellement fait. Il y avait pensé longtemps et avait fini par passer à l’acte. La mémoire lui revint tranquillement. D’un coup sec de couteau de cuisine, il s’était tranché les veines juste en bas du poignet. Paniquant par la suite et se tenant le bras en grimaçant, il ne se souvenait que d’avoir fait le 911 sur son téléphone puis, plus rien.

Sur l’écran géant, il reconnut ce qui était sans doute ce qui restait de lui dans son petit logement : un cadavre baignant dans une flaque de sang. Autour de ce dernier, une famille ne pouvant s’empêcher de pleurer. Il put distinguer son petit frère, sa grande sœur ainsi que son père. Il n’arrivait pas à y croire. Il reconnut aussi la pièce; la petite chambre de l’appartement qu’il venait de louer avec son chum de gars. Le souffle lui manqua lorsqu’il se rendit compte que sa famille n’entrait pas dans la chambre, elle était retenue par des policiers.

Il pleura longtemps. Il pleura au moins autant que les membres de sa famille. Il imagina un Karl paralysé devant la porte ouverte de cette même chambre. Un Karl qui découvrait le cadavre blanchâtre de son colocataire. Maintenant qu’il voyait tout ça arriver devant lui, il savait bien qu’il voulait retourner en arrière. Le fait de décevoir tous ces gens le paralysait sur place littéralement. Qu’est-ce que sa meilleure amie allait dire? Celle qui l’avait entendu se plaindre pendant des mois jusqu’à ce qu’enfin il fasse quelque chose pour tenter d’être à nouveau heureux.

C’était vrai. Il avait fini par quitter cette fille… Par contre, par la suite, il s’était rendu compte qu’il n’allait pas mieux. C’était sans doute le fait d’être célibataire ou encore de ne plus avoir d’emploi. Il était de retour en appartement et, cette fois, sans revenus garantis. En fait, il le savait bien, sans doute qu’une combinaison de tout ça et une pression toujours de plus en plus importante qu’il s’imposait sans vraiment le vouloir lui avaient été fatales. Pourtant, en regardant toutes ces images défiler devant lui, il se trouvait lâche. Lâche et égoïste. Et puis maintenant, son plus profond désir était de retourner en arrière.

Il voyait maintenant des images de son propre cercueil s’enfonçant dans le sol. Il pouvait discerner Karl, Alexandre, Simon ainsi que toute sa famille. Même son oncle faisait acte de présence, il avait fait le voyage depuis l’Europe. Le gars eut une pensée pour Amélie, sa meilleure amie. Celle qui l’avait tant écouté au cours des dernières semaines. Sans doute était-elle trop déçue et insultée pour assister aux funérailles. Elle devait lui en vouloir et le moins que l’on puisse dire, c’était que c’était justifié.

La frustration était trop grande. Maintenant, il savait que toutes les raisons du monde n’étaient pas suffisantes pour faire ce qu’il avait fait. Il aurait tout donné pour pouvoir retourner en arrière, mais il ne pouvait pas, il le savait bien. Il avait tant envie de tout effacer et de ne pas faire souffrir tous ses proches… Il ne pouvait pas arrêter de pleurer, c’était trop dur. Par contre, il trouva la force de se lever dans l’allée. Il était déjà mort et, du coup, n’avait plus rien à perdre. Il avait déjà commis l’irréparable.

Regarder toutes ses images était trop dur. Le gars marcha jusqu’au bout de l’allée, puis tomba sur un gallon d’essence et des allumettes qui étaient disposées sur une table. Oui, exactement ce dont il avait besoin. Il versa l’essence sur le plus de bancs possible, jusqu’à ce qu’il ne trouve même plus la force de marcher. Il alluma ensuite une allumette, les mains mouates et nerveuses, et la lança sur l’essence. Il cessa de pleurer en contemplant les flammes qui jaillirent aussitôt. 

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