31 octobre 2023. 21H. Pour une fois, le temps était clément pour l’Halloween. Marie-Pier était très contente. Même si elle et David n’avaient toujours pas d’enfant, ils avaient mis le paquet cette année. Son chum n’était pas très enthousiaste au début, mais la jeune chimiste avait réussi à le convaincre. En fait, elle avait réussi lorsqu’elle avait parlé de faire une soirée avec quelques amis. Se déguiser, décorer la maison et passer la soirée à donner des bonbons aux enfants, c’était pas vraiment son truc. Par contre, si une partie de beer pong avec ses amis du secondaire était impliquée, ça devenait intéressant.
L’avenue de Talmont à Charlesbourg était assez tranquille la plupart du temps. En regardant le reste de la rue, Marie fut assez satisfaite. Il y avait beaucoup plus de maisons décorées, comparativement aux autres années. La jeune femme avait bon espoir de pouvoir donner tous ces bonbons. Leurs costumes étaient très réussis. Ils allaient assurément faire peur aux enfants. Alors que David incarnait le Joker, elle était déguisée en Harley Quinn, la blonde du personnage masculin. Par contre, ils avaient décidé de pimenter un peu leurs déguisements. David avait opté pour la version à la Joaquin Pheonix, mais avait tout de même conservé le sourire tranché au couteau.
Au grand bonheur du jeune homme, sa fiancée avait bien aimé sa suggestion avec un décolleté plongeant. Pour l’occasion, Harley Quinn conservait donc ses deux couettes blondes, mais c’est une camisole blanche très abimée et plutôt révélatrice qui remplaçait le chandail blanc avec les rayures rouges sur les manches.
La soirée était incroyable. Le jeune avocat n’avait pas ri comme ça depuis très longtemps. Revoir ses amis et faire plusieurs blagues grivoises réussit à lui changer un peu les idées. En effet, il se sentait un peu déprimé depuis quelques semaines. L’ambiance était vraiment à la fête avec la musique assez forte et tous leurs amis qui s’étaient déplacés pour l’occasion. Marie-Pier, quant à elle, prêta un peu plus attention à la porte pour répondre à tous les enfants. Cela dit, elle prit plusieurs verres avec ses amies du secondaire et sa gang du bureau. Même Simon, un de ses meilleurs amis, se pointa avec son chum Dominic. Celui-ci était déguisé en chasseur, alors que son copain était un orignal. Le concept fit éclater de rire la jeune femme lorsqu’ils firent leur entrée. Elle avait vraiment mis le paquet pour décorer l’intérieur de la maison. Pendant que plusieurs invités dansaient à travers la fumée artificielle, elle prit quelques minutes seule pour admirer tous les costumes. Elle remarqua notamment celui d’Amélie, une vieille amie qu’elle n’avait pas vu depuis au moins trois ans. Celle-ci avait opté pour la princesse Cendrillon. Grâce à sa robe d’une teinte légèrement bleutée, son déguisement était une réussite. Leurs amis aussi avaient fait un énorme effort pour l’originalité. Pratiquement tous les accoutrements étaient faits à la main. La chimiste, diplômée depuis quelques mois à peine, fut spécialement impressionnée par Thomas, son ami du secondaire, qui était entré dans le personnage de la célèbre poupée du classique Décadence. L’air sinistre, il répétait à qui veut l’entendre: « Je veux faire un jeu! ».
Étant la responsable de la distribution des bonbons, c’est donc elle qui répondit lorsque l’homme déguisé en version sombre de Thor la poussa violemment sur le plancher avant de rentrer et de fermer la porte derrière lui. Celui-ci avait un œil caché et arborait une grosse barbe noire tressée. Cette dernière était assortie avec son armure très foncée. Soucieux des détails, il avait aussi une grosse masse, elle aussi noire et munie d’un manche très long en bois qu’il tenait à deux mains.
Alors qu’un silence lourd s’installa dans la maison pendant quelques secondes, David, envahit par la rage, fonça sur l’assaillant. Alors qu’il le poussait contre la porte d’entrée, des coups de feu furent tirés à travers la porte patio. Trois convives, dont Simon et Dominic, tombèrent sous les balles. Cette fois, la panique s’empara de tout le monde. Les convives se mirent à crier et à courir dans tous les sens pour échapper au danger. Un deuxième homme, une arme avec un silencieux à la main, fit son entrée en fracassant la porte patio, déjà affaiblie par les trous de balles. Il était déguisé en Thanos. Il avait l’iconique teinte mauve très foncée sur sa tête chauve et les mains, mais portait un long manteau noir ouvert à l’avant. Il allait jusqu’à ses chevilles et en dessous, on pouvait voir qu’il avait un chandail rouge foncé.
Alors que certains coururent à toutes jambes vers les chambres, d’autres furent pétrifiés par la peur. Ils ne pouvaient cesser de regarder les corps encore chauds de leurs trois amis sur le sol. Ils n’avaient même pas eu le temps de fermer les yeux. La jeune femme voulu se sauver vers les chambres lorsqu’elle reçu un coup derrière la tête.
Marie-Pier cligna des yeux plusieurs fois lorsqu’elle se réveilla. Sa vision était trouble et elle avait un mal de tête magistral. Elle voulut bouger, mais comprit rapidement que de la corde l’immobilisait. Lorsque ses yeux firent enfin le focus sur la scène, elle voulut crier de toutes ses forces, mais évidemment, un ruban adhésif gris l’empêchait de parler. Ce qu’elle vit dépassa l’entendement. Elle reconnut assez vite l’atelier de son chum au sous-sol. À quelques pieds d’elle, un corps inanimé se balançait lourdement dans le vide. Elle porta son regard sur le visage de la victime et le regretta immédiatement. Les yeux ronds, Amélie semblait complètement paniquée, mais parfaitement immobile. Sa bouche était entrouverte et elle semblait implorer les agresseurs. Son corps tenait dans le vide grâce au nœud coulant qu’elle avait dans le cou. Sa robe avait été un peu déchirée au niveau du ventre. Elle s’était sans doute débattue.
Thor prit la parole en premier.
-T’en fait pas pour elle. Elle n’a pas souffert. Du moins… pas trop longtemps.
Marie frissonna. La voix de l’homme lui glaçait le sang…
-Avant de t’amener avec nous, on va se changer un peu les idées. De toute évidence, t’es en détresse. Dans ta tête, tu réfléchis probablement à quelqu’un qui pourrait venir à ton secours. Est-ce que ça pourrait être ton père? Humm… ton frère peut-être? Non non attends! J’ai mieux! Ta chum de fille du secondaire qui s’est cachée dans une chambre et qui va silencieusement m’attaquer par derrière. Ha mais non! J’suis bête. Ça doit être elle! dit-il, en désignant la pendue. Humm… tes options diminuent… En plus, ton frère ou ton père ne sauront pas que t’es en danger. Il ne reste plus que…
C’est là que, dans un effet se voulant sans doute théâtral, Thanos entra dans la pièce en forçant David à avancer devant lui. Il le tenait solidement en maintenant son avant-bras contre son cou.
-Exactement! Ton bien-aimé! Attache-le bien hein?
–Yes!, dit le deuxième individu masqué.
-Alors! David? Demanda Thor au jeune professionnel en droit. Mais comme seule réponse, celui-ci le fustiga du regard et tenta de se lever, car il avait été immobilisé sur une chaise. Il bougea frénétiquement ses bras qui venaient tout juste d’être attachés.
-Vous allez lui venir en aide? Allez quoi! Votre magnifique femme est en danger! J’pourrais… lui trancher la gorge d’une seconde à l’autre…
Il passa lentement la lame effillée de son couteau sur le cou de la jeune femme…
-Je pourrais même… la poignarder…
En partant du cou de sa proie, il fit lentement descendre la lame au milieu de sa poitrine, jusqu’à ce que la lame atteigne le tissu de la camisole. Puis, il continua sur le vêtement jusqu’à la hauteur du nombril.
-Par contre, si ça peut vous rassurer, soyez certains que son corps ne m’intéresse pas. J’ai tout le sexe que je veux avec ma tendre moitié.
Les deux bourreaux échangèrent un regard amoureux…
-Alors Marie-Pier? Crois-tu que quelqu’un pourra t’aider?
Le grand parleur fit signe de la tête à son complice, puis celui-ci sortit un couteau qu’il portait à la taille. Puis, sans prévenir, il enfonça violemment son couteau derrière la tête de David. Le malheureux ne comprit même pas ce qui lui arrivait. En un éclair, son regard rempli de rage fit place à un regard vide. Il eut même l’air un peu idiot à cause de sa bouche entrouverte. Une bonne quantité de sang s’en échappa, mais pas autant que de sa blessure. Lorsque la brute le lâcha, tout son corps devint flasque sur la chaise. Ses cheveux s’imbibèrent de sang et une grande flaque se forma sous le siège de la chaise.
La blonde du défunt voulu crier de toutes ses forces, mais évidemment, ses efforts furent vains. Le désespoir la gagna au plus profond de son être alors que les larmes se mirent à couler abondamment de ses yeux. Elle n’arrivait pas à réaliser ce qu’elle voyait. Concevoir que l’amour de sa vie était mort était au-dessus de ses forces. À travers les sanglots incontrôlables, elle continua de s’époumoner à crier, toujours sans succès, lorsque de nouveau, on l’attaqua par derrière.
Le cortège d’octobre ne comportait que deux voitures. Le corbillard était suivi de près par un VUS bleu. Les deux véhicules roulaient à vive allure par une nuit étonnamment chaude pour une soirée d’Halloween. Aucun cercueil n’était à bord de la voiture désignée pour les enterrements. Sous une couverture, c’était plutôt le corps inerte de Marie-Pier qui gisait. Elle était inconsciente, mais ses poignets ainsi que ses chevilles avaient tout de même été attachés par précaution. Elle avait toujours du ruban adhésif gris sur la bouche.
1er novembre 2023. 8H. En arrivant à la maison du massacre, l’inspecteur Mercure fut surpris en voyant un gars de l’équipe criminelle sortir de la maison en courant pour vomir. Ben voyons… ça devait être le petit nouveau. De toute évidence, c’était une petite nature… Agacé, il entra dans la maison et fut accueilli par son collègue des trois dernières décennies. Il arrivait du sous-sol.
-Alors? Qu’est-ce qu’on…?
-Je t’avertis, t’es pas prêt. Je n’ai jamais rien vu de tel.
-T’en fais pas un peu trop? On en a vu des choses en 30 ans.
-Non là c’est une autre ligue. J’te l’dis, c’est pas pour les doux.
Plus intrigué que jamais, l’homme, suivi de près par son ami, descendit les marches. En 32 ans de carrière, il en avait vu des choses. Cadavres mutilés ou décapités, viols, victime abattue d’une balle entre les deux yeux… femmes violées puis assassinées… il se demandait bien qu’est-ce qui pouvait rivaliser avec ces cas. Il arriva à la dernière marche, là ou le mur de la cage d’escalier se terminait, puis figea.
C’était en effet une scène horrible. De toute évidence, le ou les meurtriers avaient le sens du spectacle. Une jeune femme était torse nue et était attachée en position assise. On avait placé une immense citrouille sur sa tête. C’était probablement une décoration qui avaient été prise à l’extérieur, car des yeux et une bouche avaient été façonnés dedans. La « tête » restait droite, car elle avait été fixée avec du ruban adhésif gris au dossier très haut de la chaise. Le pire était le cou qui avait été tranché presque complètement. Il y avait du sang séché partout sur la poitrine et le ventre de la malheureuse. Il y avait même une flaque sur le sol sous sa chaise.
Un autre macabé attira l’attention de l’inspecteur. Il était simplement caché sous un grand drap. Le clin d’œil était réussi, car il rappelait assurément les enfants qui se déguisent en fantômes. Le problème, c’est qu’il tenait debout grâce à un gros crochet à visser au bout duquel un fil de fer était fixé jusqu’au plafond. Malheureusement pour la victime, le crochet était enfoncé directement dans son crâne. Pour faire un fantôme réaliste, ses poignets étaient aussi maintenus dans les airs grâce à des fils de fer. Par contre, ils ne faisaient qu’entourer les poignets.
Il y avait aussi la sorcière. Elle avait été pendue. Son corps pendait juste à côté d’un grand chaudron. Elle portait un masque arborant un vieux visage diabolique et sa perruque voulait faire croire qu’elle avait de vieux cheveux gris en bataille et remplis de nœuds. Mercure s’approcha du chaudron et c’est là qu’il eut son premier haut le cœur. Une tête ensanglantée portant le masque du personnage central des films de Décadence flottait paisiblement dans une mer d’hémoglobine. En fouillant délicatement avec des gants et une combinaison blanche, un expert y trouva plusieurs mains, des bras, des pieds, quatre cuisses et six mollets.
Enfin, le loup garou était vraiment terrifiant avec son masque qui recouvrait toute la tête de la victime. Au moins, il était couché sur le sol. Il avait une crinière très intense et des dents très réalistes plutôt longues recouvertes de vrai sang. Il avait aussi une cuisse humaine recouverte de liquide rouge sur sa main gauche, comme s’il s’était endormi en mangeant. Une autre cuisse gisait à sa droite. Lorsqu’on lui retira son masque, on trouva un visage apeuré duquel on avait arraché les deux yeux. Avec sa bouche béante, son visage semblait implorer son bourreau.
1er novembre 2023. 22H. Sur les nerfs, Marie-Pier sursauta lorsque la porte du haut des marches s’ouvrit. Chacun de ses poignets étaient fixés au grillage de fer derrière elle avec des menottes. Un ruban adhésif gris l’empêchait de parler et ses deux chevilles étaient immobilisées ensemble. Ça devait faire un bon deux heures qu’elle s’était réveillée comme ça. Elle avait vu tous ses invités mourir. Elle avait été assommée alors qu’il ne restait plus qu’elle de vivante. Très lentement, plusieurs pas résonnèrent dans tout le sous-sol les uns après les autres. Elle fixa les deux grosses bottes à caps d’acier descendre tranquillement les marches. Même sans être attachée, elle n’aurait pas pu s’enfuir. La peur la pétrifiait. C’était comme si chaque pas fait par ce fou la rapprochait de sa mort.
L’homme arriva finalement devant elle. Il était habillé plus normalement, mais avait toujours son masque de Thor.
-Haaaaa! Ma charmante Marie-Pier! Toi et moi, on va faire un carnage!
Il s’approcha, puis arracha le ruban adhésif de la bouche de sa victime.
-Un carnage? Non! Tuez-moi tout de suite!
-Humm… c’est vrai que j’ai un certain… talent pour tuer les gens… mais cette fois-ci, je vais devoir me retenir. Tu ne vas pas mourir… du moins, pas avant Halloween prochain. Tu ne pourra même pas te suicider. Tu vas m’aider à mettre sur pied mon plan. Ce sera la seule option possible…
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